Appparence

Brillante, transparente et chatoyante
comme du cristal,
la bouteille en PET,
vidée de son eau, compressée,
est un déchet de notre époque.

Mise en lumière, elle est représentée
à l’échelle d’un être humain
et renvoie à sa finitude.

Christiane Grimm,
Décembre 2008

 

 

T R A N S F I G U R A T I O N

Lumière matière

Christiane Grimm présente une série de 22 photographies de grand format. Chacune figure la même bouteille en PET, mais chaque fois dans des postures singulières.
La bouteille, représentée en pied, est tantôt froissée ou écrasée, tantôt distordue ou gonflée, ici pliée et là à peine esquintée. Elle est toujours coiffée de son goulot demeuré indemne, même s’il subit les inflexions du corps de la bouteille provoquées par l’action contraignante de la plasticienne.
Ce rapport entre un corps et une tête détermine de manière évidente la référence anthropologique (le corps ploie, se brise, ondule, alors que la tête demeure intacte). Ainsi, cette imposante série de photographies accentue la dimension spéculaire de l’œuvre, à savoir la fonction identifiante de l’objet avec la subjectivité du spectateur.
T R A N S F I G U R A T I O N  dénote le mouvement initié par la photographe qui induit le passage d’une chose à une autre, le transfert du signe au sens, du déplacement de la banalité d’un produit de la consommation de masse à la dimension spécifiquement humaine.
On notera au passage le côté cocasse de l’œuvre : quelle drôle d’idée, en effet, que de représenter (de transfigurer, voire de recycler) la nature intrinsèque, ambivalente, voire tragique de l’être humain fait de fragilité et de dureté, de blessure et de noblesse, et par là de beauté, au moyen d’une simple bouteille, le corps formé par une peau en plastique et la tête par le goulot d’une bouteille !

Cependant, dans l’après coup de l’interprétation personnifiante des « bouteilles » de Christiane Grimm, convient-il peut-être de revenir au signe afin de mettre en évidence ce qui constitue la force de son travail : la représentation de la lumière au moyen d’une bouteille en plastique, objet idéal et parfaitement adéquat pour servir son intention. Ici l’humain cède la place à la lumière.
Ainsi, l’artiste s’efforce-t-elle de modeler la lumière au moyen d’un support qui offre précisément la plasticité pour la délimiter grâce aux effets induits par la malléabilité du PET.
Dès lors, les torsions et les compressions données au plastique offrent des prises à la lumière naturelle, celle du soleil uniquement. Donc, pas d’autre source lumineuse externe qui viendrait éclater sur les multiples facettes du plastique froissé : la lumière, après avoir traversé les parois de la bouteille, investit son volume contorsionné de sorte que, au final, ce n’est plus l’objet qui est éclairé mais l’objet qui s’illumine de l’intérieur. Ainsi, la lumière donne au volume interne de la bouteille l’impression d’une texture dure et dense comme le cristal ou l’acier.
T R A N S F I G U R A T I O N  suggère maintenant le passage d’un objet identifiable à un faisceau de lumière, à un maelström de lumière, uniquement lumière, lumière cernée, lumière vive capturée dans les plis et replis de la matière. « Transsubstantiation » : passage d’une matière à une autre, pour autant qu’on admette que la lumière soit une substance, la preuve sous vos yeux ! N’y voyez plus de la bouteille ni du corps humain, mais la matérialisation d’un flot de lumière !

Christophe Grimm, mars 2013

 

 

 

Christiane Grimm s’exprime aujourd’hui à travers des déchets transparents, des bouteilles en PET, vides d’eau, froissées, auxquelles elle a donné taille humaine. L’eau, les déchets sont des préoccupations de notre époque et l’artiste nous propose une interprétation contemporaine de bouteilles qui semblent être illuminées de l’intérieur. Elles sont ainsi recyclées.

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